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Journal de bord

Festival de Cannes, jour 4 : triste cirque pour Lánthimos et vent joyeux pour les autres

Aujourd’hui, incompréhension face au «Megalopolis» de Francis Ford Coppola et au «Kinds of Kindness» de Yórgos Lánthimos, éblouissement face à «la Belle de Gaza» de Yolande Zauberman, et rencontre avec le merveilleux et réservé Jesse Plemons.
par Didier Péron et Elisabeth Franck-Dumas
publié le 17 mai 2024 à 20h42

Critiques, portraits, interviews… Suivez jour après jour, toute l’actu du Festival de Cannes avec les envoyés spéciaux de «Libération».

Jour 4 à Cannes et le mistral force 12 menace à tout moment d’arracher le tapis rouge et l’envoyer par cinquante mètres de fond dans le golfe de la Napoule. Est-ce qu’il est trop tôt pour trouver qu’on est là depuis longtemps ? On est au bord d’un bilan à mi-parcours à peine au premier tiers… A l’affiche de Megalopolis, Jon Voight est de sortie sur la Croisette, où malgré le soleil il sort sans sa casquette MAGA, au risque de l’insolation, repoussant les badauds d’un gentil revers de main (il n’a pas le temps) avant de se raviser et de poser pour des selfies voyant que personne ne l’attend plus loin.

Toujours pas de film quatre étoiles dans la grille du magazine Screen, s’affole son correspondant local, attestant d’un début de compète très mollasson, alors que les sélections parallèles font des moissons de cœurs – aujourd’hui pour la Belle de Gaza de Yolande Zauberman, dont on verrait bien le Masculinity de Lucky Love, en bande-son du générique, devenir l’hymne de l’édition 2024.

On aime beaucoup

«La Belle de Gaza» de Yolande Zauberman retient la nuit. Cinq ans après «M», Yolande Zauberman part à la poursuite d’une légende, celle d’une femme trans qui serait venue à pied à Tel-Aviv depuis Gaza. Une enquête prétexte à une galerie de portraits nocturnes et sensibles, éclairant les existences transgenres en Israël et Palestine. En Séances spéciales. Notre critique

«Desert of Namibia», la colère solaire de Yôko Yamanaka. Résolument étonnant, le film de la cinéaste japonaise, fait de fausses pistes et de mensonges, dresse le portrait d’une jeune Tokyoïte à la furie cathartique. A la Quinzaine des cinéastes. Notre critique

On aime

«Kyuka» de Kostis Charamountanis, le vent dans les voiles. Mouvant et gracieux, le premier long métrage du cinéaste grec met en scène le récit grave et loufoque d’une ­famille grecque en vacances. En ouverture de l’Acid. Notre critique

«Christmas Eve in Miller’s Point» de Tyler Taormina, soyeux Noël. Dans un bouillonnement de sensations nostalgiques, le jeune cinéaste américain met en scène une smala réunie pour son dernier réveillon dans la maison familiale. A la Quinzaine des cinéastes. Notre critique


What the fuck ?

Mais que fait «Megalopolis» ? Megalopolis est tout et rien. Megalopolis est partout et nulle part. Megalopolis est une tentative de monument et un ratage inconcevable. Megalopolis, le film de Francis Ford Coppola présenté à Cannes jeudi 16 mai, nous a plongés dans un état de confusion indescriptible. Qu’est-ce que c’est que ce truc ? Ebauche de réponse en sept hypothèses

Pitié

«Kinds of Kindness» de Yórgos Lánthimos, chelou y es-tu ? Persistant dans les provocations vaines et de plus en plus gratuites, le cinéaste explore les vicissitudes du monde à travers trois portraits de psychopathes, sans jamais nous intéresser au sort de ses personnages. En compétition. Notre critique

Le portrait du jour

Jesse Plemons, roux libre. Cauchemardesque et génial, habitué des personnages sur le fil entre le dérangeant et le comique, l’acteur révélé dans Breaking Bad brille à nouveau dans «Kinds of Kindness» de Yórgos Lánthimos. Rencontre cannoise

En direct

Speed dating entre producteurs et éditeurs. C’est un peu le Tinder du scénario, le Bumble des adaptations littéraires, l’incontournable plateforme de rencontres entre maisons d’édition et sociétés de production de cinéma et d’audiovisuel. La présentatrice de l’événement Shoot the book ! le clame elle-même à l’assemblée : c’est une «love room», ici ! Comme tous les ans depuis une dizaine d’années, défilaient au Palais des festivals les ambassadeurs des grandes maisons d’éditions françaises, toutes venues pitcher les romans de leurs poulains à des professionnels de l’écran. Au Festival de Cannes, les éditeurs pitchent leurs romans pour draguer le cinéma

Pépère l’amoral. Alors qu’il évoquait sa crainte d’une inexorable montée de l’extrême droite dans son pays, affirmant être «arrivé à un point dans notre pays où nous pouvons perdre notre République», Francis Ford Coppola, au cours de la conférence de presse pour Megalopolis, a passé la parole à l’un de ses acteurs, Jon Voight, sur le ton de la blague : «Je crois que Jon voit les choses différemment.» Celui-ci a fait mine de s’étonner («Comment tu le sais ?») avant d’enchaîner en moulinant dans les bons sentiments sur «un monde meilleur» à laisser «à nos enfants». Figure de la contre-culture de gauche seventies, grand acteur, Voight, père d’Angelina Jolie, s’illustre en fait depuis des années par des prises de position ultraconservatrices et un soutien fervent à Donald Trump. Il avait notamment affirmé, lorsqu’est sortie l’affaire de déclarations enregistrées de Trump sur le fait qu’il était toujours permis à un personnage connu d’«attraper une femme par la chatte», que c’était le genre de choses banales que les mecs se disaient entre eux. Pour lui, Trump était en outre le «plus grand président depuis Lincoln», et quand son héros a perdu les élections au profit de Biden, il a embrayé avec virulence dans des vidéos YouTube sur la théorie du vote falsifié, évoquant un «juste combat contre Satan».

Chassé Croisette

Interro surprise d’Anthony Bajon. Ça va bien se passer, cette année ? Le meilleur rituel cannois ? Un film que vos parents vous ont empêché de voir ? Toutes les réponses, et plus encore, de l’acteur Anthony Bajon, vu dans Chien de la casse, qui fera une montée des marches avec le casting de l’Amour ouf de Gilles Lellouche.



Et demain ?

Pour le très convoité premier week-end du festival, deux poids lourds en compète, Emilia Perez du palmé d’or (2015) Jacques Audiard, qui déboule avec une comédie musicale dans le milieu des cartels de la drogue au Mexique (Zoe Saldana et Selena Gomez sont au casting) entièrement tourné en studio, et Caught by the Tides du multisélectionné Jia Zhangke, qui promet une épopée retraçant vingt ans de la vie d’une femme (Zhao Tao, naturally) dans un pays dont il observe depuis toujours les mutations monumentales.

A la Quinzaine des cinéastes, Isabelle Huppert et Hafsia Herzi sont à l’affiche du nouveau film de Patricia Mazuy, la Prisonnière de Bordeaux, jouant deux femmes qui se rencontrent au parloir d’une prison. A la Semaine de la Critique, le très attendu les Reines du drame d’Alexis Langlois met en scène la passion et la descente aux enfers de deux divas pop.

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