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Le grand invité Afrique

Didier Péclard: «La guerre civile» en Angola «a été réinscrite dans le récit national»

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Il y a vingt ans jour pour jour, prenait fin la guerre civile angolaise, avec la signature d'un accord de cessez-le-feu entre l'Unita et le MPLA. Vingt ans plus tard, les deux forces se font toujours face à face, mais cette fois-ci dans l'arène politique. Les fantômes de cette guerre civile continuent-ils pour autant à hanter l'Angola ? Y a-t-il un risque de nouvelle confrontation ? Didier Péclard est professeur de sciences politiques et directeur du master en études africaines de l'université de Genève. Il répond aux questions de Laurent Correau. 

La guerre civile en Angola a commencé dès l'indépendance du pays en 1975 et a duré 27 ans. Le chef rebelle Jonas Savimbi, ici le 11 décembre 1985 (photo d'illustration).
La guerre civile en Angola a commencé dès l'indépendance du pays en 1975 et a duré 27 ans. Le chef rebelle Jonas Savimbi, ici le 11 décembre 1985 (photo d'illustration). Christian Chaise/AFP
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RFI : 20 ans après la fin de la guerre civile en Angola, que reste-t-il de l’antagonisme entre l’Unita et le MPLA, les deux forces qui se sont fait la guerre ?

Didier Péclard : Cet antagonisme est encore très profond entre, d’un côté le MPLA -à la fois ancien mouvement armé et parti politique qui gouverne l’Angola depuis l’indépendance en 1975- et de l’autre côté l’Unita, qui a toujours été, à la fois un mouvement armé et un mouvement politique et qui, depuis la fin de la guerre en 2002, essaie de contester le pouvoir politique du MPLA, cette fois, plutôt sur le terrain politique habituel, c’est-à-dire à la fois à l’Assemblée nationale et dans les élections qui se sont tenues depuis 2002 et dans les élections qui vont se tenir, c’est-à-dire dans les élections présidentielles, puisqu’il n’y a pas eu encore d’autres élections au niveau local en Angola.

Cet antagonisme qui persiste a-t-il des conséquences au niveau social ?

Oui. L’antagonisme au niveau social est encore très important. Pour comprendre ça, il faut faire un tout petit retour en arrière. La guerre s’est terminée en avril 2002 par la victoire militaire du MPLA sur l’Unita. Le MPLA a pris la décision de terminer la guerre de façon militaire afin d’éviter d’avoir à faire des concessions à la fois à l’Unita dans un processus de réconciliation et aussi de donner une place trop importante à des associations de la société civile.

Il ne fallait pas partager le pouvoir ?

Aucunement. Et dans ce processus, la guerre civile a été réinscrite dans le récit national officiel, non pas comme étant la résultante de profondes divisions au sein de la société angolaise mais, comme étant le résultat de l’avidité et de la volonté d’accéder au pouvoir d’un seul homme, Jonas Savimbi, et de son entourage immédiat. Or, les divisions qui ont nourri ce conflit depuis la fin des années 1950, ces divisions sociales sont encore très présentes. Elles ont été, pour certaines, renforcées aussi par le boum économique qu’a connu l’Angola depuis la fin de la guerre en 2002. De nouvelles divisions sont apparues mais, en tous cas, la société angolaise est loin d’être homogène et unifiée et loin d’avoir dépassé les divisions qui se sont exprimées dans la guerre civile.

Est-il possible que ces divisions ressurgissent sous forme de violences à un moment ou à un autre ?

Elles peuvent ressurgir. Mais je ne suis pas de ceux qui pensent qu’il y aurait un risque de retour à des affrontements violents généralisés. Je ne crois pas. Elles sont présentes à bas bruit mais elles peuvent ressurgir dans des tensions autour d’enjeux locaux, précis, par rapport à l’accès aux terres par exemple. Par rapport, aussi, à la place de la jeunesse urbaine notamment et aux revendications de cette jeunesse qui se sent très marginalisée. C’est plutôt par épisodes précis qu’elle peut ressortir mais elle est encore très présente.

Justement, au mois d’août prochain, les Angolais éliront leur président et leur Assemblée. Le président Lourenço qui a été élu en 2017 peut se représenter. L’Unita, sous la bannière d’Adalberto Costa Júnior, représente-t-il une menace importante pour le MPLA de Lourenço ?

En tous cas, la situation est très tendue. On sent, effectivement, du côté du MPLA, une certaine crainte vis-à-vis du scrutin qui arrive pour plusieurs raisons. D’une part, pour la première fois, il semblerait que l’opposition a réussi à faire un front unique, ce qui n’était pas le cas en 2017. En plus, le nouveau président de l’Unita, Adalberto Costa Júnior, indique une espèce de virage urbain au sein de l’Unita. Il vient de Luanda, c’est un métis qui, socialement, estissu plutôt de la région côtière et urbaine de l’Angola alors que l’UNITA, historiquement, était plutôt tournée vers l’intérieur, notamment les provinces de Huambo et Bié. Et ce virage-là s’est exprimé déjà en 2017 lorsque le MPLA a perdu la majorité qu’il avait dans la province de Luanda, ce qui était un choc. Et donc, on imagine que l’Unita va essayer de capitaliser encore plus sur cette opposition urbaine. Et ça représente, effectivement, un danger potentiel ou une menace potentielle pour le MPLA.

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