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Comment habiter la profession de médecin?

Comment devient-on médecin aujourd’hui? Comment renforcer un sentiment d’appartenance dans une époque où les repères traditionnels disparaissent? L’identité professionnelle reste pourtant un élément majeur de la construction des médecins de demain. Les vice-doyens Idris Guessous, en charge de la formation post-graduée et continue, et Mathieu Nendaz en charge de la formation pré-graduée, portent ensemble cette mission pour la Faculté. Eclairage. 

Numéro 48 - avril 2024

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© iStock. Comment habiter la blouse de médecin?

Qu’est-ce qu’être médecin dans un monde en pleine mutation, où le désenchantement semble gagner tous les jours un peu plus? Quelles sont les attentes de la société vis-à-vis du métier de médecin? Et quelles sont celles des médecins vis-à-vis de leur métier, et de celles et ceux qui le seront bientôt? «La formation pré-graduée est comme une pyramide où les compétences sont accumulées progressivement, d'abord sous supervision, puis de manière autonome. L'identité professionnelle vient coiffer cette pyramide, qui a trait à qui l’on est, et non pas seulement à ce que l’on fait», détaille Mathieu Nendaz. Le concept d'identité professionnelle englobe en effet les valeurs et les aspirations qui définissent un métier au-delà de sa pratique. Être un ou une professionnelle devient en somme l'expression du fait de ressentir, penser et agir comme le médecin qu'on est devenu. Et par conséquent habiter cette profession parce qu'on en a intégré les valeurs.

Des médecins en quête de sens

Pour les générations précédentes, le processus «d’endosser la blouse blanche» se déroulait de manière implicite. Pourquoi en 2024 doit-on le structurer et l’expliciter? «Probablement, plusieurs phénomènes qui s’entrechoquent», explique Idris Guessous. «Notamment, le rôle du médecin dans la société a beaucoup évolué. Aujourd’hui, la médecine est centrée sur les patientes et patients, d’une part, et sur un système de santé, d’autre part, pensé d’un point de vue économique et de la rationalisation des coûts. Or, si ces changements de paradigme sont compréhensibles, il n’en demeure pas moins que nous, médecins, avons été un peu mis et mises de côté. Il faudrait redonner aux médecins un rôle dans le système de santé et dans la cité comme un acteur fort, une actrice forte. »

La médecine est un métier difficile. C’est aussi un métier d’une extrême richesse, qui peut s’exercer de multiples façons, y compris en dehors des soins cliniques : laboratoires de recherche, industrie, santé publique, organismes de régulation, etc. qui permettent l’innovation, l’entrepreneuriat et la créativité. «Et on refuse toujours des centaines de personnes chaque année, preuve que le métier attire toujours autant!» Mais il est vrai qu’une attention plus grande est maintenant portée sur les questions d’équilibre vie privée- vie professionnelle, de même que sur la santé mentale pendant les études. «Il ne faut pas se leurrer, nous n’avons pas le pouvoir de modifier les exigences du métier», souligne Mathieu Nendaz. «Nous pouvons cependant mieux accompagner les personnes qui se lancent dans l’ascension que constitue les études en médecine pour éviter l’épuisement et le désenchantement qui risquent de survenir en cours de route.  Nous sommes dans un tournant sociétal majeur dans la manière dont les jeunes expriment leurs besoins. A la Faculté, nous nous devons d’y répondre» 

Vers un accompagnement plus pérenne

Le Décanat de la Faculté de médecine a ainsi décidé de mettre la question de l’identité professionnelle et de l’accompagnement tout au long du parcours de formation. Plusieurs pistes sont examinées, et notamment la mise en place d’un «compagnonnage»  — au travers de guides d'apprentissage ou de mentors  — afin de permettre aux étudiantes et étudiants de mettre en perspectives les exigences, mais aussi les richesses et la joie d’être médecin, dans une idée de transmission et d’incarnation d’un modèle positif.

«Il s’agira également de mettre en évidence les nombreux projets portés par les étudiant-es, qui s’engagent avec passion et énergie au travers d’associations par exemple. Le cursus en santé planétaire, co-construit à la demande des étudiant-es, en est un bel exemple ! Ils et elles font preuve d’un engagement positif et d’un leadership transformatif évident.»

Recréer des liens pour réenchanter le métier

La construction de l’identité professionnelle est aussi à concevoir dans la continuité. «Parfois, l’arrivée dans la vie professionnelle est perçue comme un choc, un dichotomie entre le métier «rêvé» et une réalité parfois dure», explique Idris Guessous. «Il s’agit de structurer l’envie et de réenchanter la médecine. Et pour cela, s’assurer d’un sentiment d’appartenance et favoriser un engagement durable malgré les difficultés.»

Dans cette optique, plusieurs propositions sont envisagées, la plus emblématique étant de rétablir des rituels. L’un des problèmes de la crise du métier est une perte d'âme, une dépersonnalisation. «Nous avons donc envie de remettre en place des rituels où l’on se souvient pourquoi on a fait toutes ces études, tous ces efforts, et où l’on célèbre les étapes franchies — privat-docent, l'obtention des FMH, etc.» 

Il s’agira également d’encourager le leadership créatif pour que les médecins puissent (re)devenir une force de proposition sociétale, et peut-être imaginer autre chose que le quotidien de soignant-e. «Nous pensons par exemple à de petites capsules vidéo mettant en lumière des parcours très divers pour incarner des trajectoires et des réalisations possibles et entretenir cette flamme créatrice. »  En reconnaissant et en valorisant l'identité des médecins, il s’agira, pour le Décanat, de contribuer à réenchanter la médecine et à renforcer l'engagement et le sentiment d'appartenance de celles et ceux qui la pratiquent.

Pr Idris GUESSOUS
Vice-doyen en charge de la formation post-graduée et continue et de l’identité professionnelle

Pr Mathieu NENDAZ
Vice-doyen en charge de la formation pré-graduée et du développement de l’identité professionnelle

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