« La sensibilisation des futurs enseignants à l’accompagnement de la dyslexie est essentielle. »

Entretien avec Elisa Raschini, docteure en sciences du langage à l’ENS-PSL

Partager Créé le 18 janvier 2024
Elisa Raschini, docteure en sciences du langage (ECLA, Lattice, ELICom), enseignante d’italien à l’ENS-PSL, s’engage pour former enseignants et étudiants sur la dyslexie.
 Visuel créé pour la formation "Langues et dyslexie" à l"ENS-PSL ©  Gaia Gaboardi Visuel créé pour la formation "Langues et dyslexie" à l"ENS-PSL © Gaia Gaboardi

 

Que recouvrent les troubles de la dyslexie ?

Elisa Raschini : La dyslexie touche environ 8 % de la population française. Ce trouble neurologique affecte le transcodage des signes graphiques en signes phonologiques : les personnes atteintes voient les mots, mais ont du mal à les reconnaître visuellement, à distinguer les syllabes, à mémoriser l’orthographe. La lecture, silencieuse comme à haute voix, devient donc difficile.

Vous travaillez, notamment via l’organisation des journées ECLA, sur la formation des enseignants et futurs enseignants de l’ENS-PSL, à l’accompagnement des élèves porteurs de dyslexie. Pourquoi cet engagement ?

Elisa Raschini : Dans la mesure où toute éducation formelle passe par le langage verbal, les personnes avec dyslexie sont susceptibles de rencontrer des difficultés dans l’ensemble des domaines de leur scolarité. Comme tous les enseignants, les professeurs issus de l’ENS-PSL seront directement confrontés à ce trouble. Il est important de les sensibiliser aux difficultés engendrées par celui-ci et de leur apporter des pistes d’accompagnement. En effet, chaque apprenant et chaque enseignant peut apprendre à développer des stratégies pour contourner ces difficultés.

Quel rôle peuvent avoir les futurs enseignants dans la mise en place des stratégies de remédiation ?

Elisa Raschini : Outre un suivi orthophonique, les élèves dyslexiques peuvent s’appuyer sur les mesures mises en place dans le supérieur par la loi de 2005 : temps supplémentaire, aide humaine et technique pour composer…. Mais l’enseignant a aussi un rôle actif à jouer dans cette partition. S’il propose, au quotidien, des contenus et une méthodologie adaptés, appliqués en co-construction avec ces élèves, ceux-ci pourront accéder à un apprentissage serein et efficace.

 

La journée ECLA « Langues et dyslexie » : vers un apprentissage inclusif des langues

Depuis trois ans, l’Espace des Cultures et Langues d’Ailleurs (ECLA) de l’ENS-PSL propose à toutes et tous, enseignants et étudiants, une demi-journée de formation et de sensibilisation sur la dyslexie centrée sur l’enseignement des langues.

Les possibilités d’aménagements permis par la loi de 2005, ainsi que les stratégies pédagogiques permettant d’accompagner élèves et étudiants dyslexiques dans leurs apprentissages, sont encore mal connues des enseignants et des futurs enseignants. C’est pour remédier à cette situation qu’a été pensée la journée de formation « Langues et dyslexie : pour un apprentissage inclusif des langues », organisée chaque année en février, depuis 2020, par l’Espace des Cultures et Langues d’Ailleurs (ECLA) de l’ENS-PSL.

Éléments théoriques et ateliers pratiques

Ouvert à tous, l’évènement est co-organisé par Elisa Raschini, docteure en sciences du langage (ECLA, Lattice, ELICom), enseignante d’italien à l’ENS-PSL et Hélène Boisson, traductrice littéraire en allemand-anglais-arabe et enseignante en FLE à l’ENS-PSL. Pendant deux à trois heures, sous l’égide de Paola Celentin, linguiste et spécialiste en didactique inclusive (Université de Vérone et groupe ELICom de l’Université de Parme), les participants reçoivent une formation théorique et pratique. « Via des vidéos, des témoignages et des expériences sensorielles, ils découvrent, de manière concrète, les difficultés et le ressenti des élèves porteurs de ce trouble neurologique des apprentissages », précise Elisa Raschini.

Cinq stratégies ou pistes pour aider les étudiants

Tous sont ensuite amenés à réfléchir aux stratégies pour rendre plus accessible leur pratique. Le groupe de recherche et de formation ELICom (Université de Parme) dont Elisa Raschini fait partie a détaillé cinq stratégies pour un apprentissage accessible. « Trois concernent spécifiquement les enseignants, détaille-t-elle. Primo : systématisation (par exemple, encadrement du cours oral par un plan et un résumé écrit). Secundo : adaptation des contenus et des évaluations : mise des textes à disposition à l’avance, cartes mentales, typographie accessible, mise en page simplifiée au maximum. Tertio : orientation des enseignements sous un angle multimodal, en associant aux textes écrits et aux contenus oraux des images et du son. » Deux autres relèvent plutôt des étudiants, mais l’enseignant peut, encore, les y aider. « D’une part, devenir conscient de la façon dont on apprend, afin d’être plus responsable et autonome ; d’autre part, miser sur l’interdépendance et la coopération entre étudiants », précise Elisa Raschini. Autant de stratégies propices à favoriser la réussite de ce type de public, mais également du groupe classe tout entier.

 

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